D’un usage singulier des archives dans le documentaire.

Un débat préparé et présenté par Joële van Effenterre, Charlotte Szlovak et Marc Gourden.

Au-delà de l’usage documentaire des archives comme témoignage de l’Histoire, certains cinéastes s’en emparent pour dévier le cours du temps dont elles sont le signe. L’enjeu devient les conjuguer au présent ou en accuser la distance temporelle, questionner leur poids de vérité, les faire fictionner ou encore les réinventer…

Ces images, fixes ou mobiles, qui appartiennent à l’histoire de l’humanité, jusqu’où peut-on se les approprier pour documenter nos histoires personnelles ? Quelles sont les limites éthiques, esthétiques, techniques (format 16/9, sonorisation, colorisation, etc.) de cette réappropriation ?
Nous savons tous que les images documentaires d’aujourd’hui deviennent les archives de demain. Nous fabriquons aussi nos propres archives qui nourrissent des films à venir.

Le cinéma, par le feuilletage du temps qu’autorise le montage, permet le recyclage quasi infini des images et des sons pour créer d’autres oeuvres : la réutilisation des mêmes éléments n’est pas alors taxée de plagiat, mais une signature d’auteur.
Donner libre cours à notre subjectivité, laisser le réel et la fiction se contaminer pour produire du sens et de l’émotion, abolir la frontière poreuse des temps, des lieux, des voix, pour atteindre une autre vérité plus intime et polysémique : c’est ce que nous tentons de faire dans nos films.

Il y a des variations infinies à cet « usage singulier des archives » : de la répétition en leitmotiv d’un même plan colorisé, marche vers les camps et marche de l’Histoire dans Comme un Juif en France, d’Yves Jeuland, au poème visuel et symphonique de Terence Davies, Of Time and the City, tourbillon lyrique, virulent et passionné à la gloire de sa ville, Liverpool.

Nous projetterons un extrait de l’œuvre d’Henry Colomer, dont chaque film invente un usage poétique de l’archive, et nous demanderons à Alain Ughetto de nous parler de Jasmin, en cours d’achèvement, où un long processus d’élaboration l’a amené à substituer aux images réelles du passé une recréation en pâte à modeler animée, produisant ainsi, par la grâce de ce matériau fragile, une émotion immédiate.

Nous confronterons nos points de vue et des extraits de nos propres films avec ceux de nos invités, pour une approche personnelle et singulière de la mémoire collective.

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